apparut une statue qui avait quatre bras, les
yeux hagards,les cheveux emmêlés, la langue
pendante.
Derrière eux, quelques brahmanes, dans toute la
somptuosité de leur costume oriental, traînaient
une belle femme inconsciente.Tout son corps
était chargé de bijoux. Venaient ensuite des
gardes armés de sabres, portant le corps d'un
vieillard, revêtu de ses opulents habits de rajah.
«C'est un sacrifice humain! Expliqua sir Francis
Cromarty. Cette femme sera brûlée demain,
pour suivre son mari dans la mort.
-
Elle s'appelle Mrs. Aouda, ajouta guide.
C'est une femme de haut rang,
parfaitement éduquée.
On l'a mariée contre son gré à ce vieux
rajah.
-
Si nous sauvons cette femme? proposa
Phileas Fogg.
-
Tiens! Mais vous êtes un homme de coeur!
dit sir Francis Cromarty.
-
Quelquefois, répondit simplement Phileas
Fogg, quand j'ai le temps.»
M.Fogg et ses compagnons suivirent la
procession jusqu'au temple de Pillaji, puis ils
attendirent la nuit. Vers six heures du soir, ils
résolurent d'opérer une reconnaissance autour
de la pagode où les gardes des rajahs veillaient
aux portes.
Les heures s'écoulaient. Chants et cris éclatèrent
de nouveau. L'heure était venu à laquelle la
jeune femme allait mourir. Elle fut étendue sur le
bûcher, près du cadavre de son époux. Puis le
bois imprégné d'huile s'enflamma aussitôt. À ce
moment, Phileas Fogg s'élança vers le bûcher.
Mais la scène changea soudain. Le vieux rajah
n'était pas mort. Il se redressa tout a coup,
comme un fantôme, puis souleva la jeune
femme dans ses bras et descenda du bûcher.
Les gardes, les prêtres pris d'une terreur subite,
se prosternèrent et regardèrent un tel prodige!
Lorsque le ressuscité s'approcha vers M.Fogg et
sir Francis Gromatry, il murmura: «Filons!» C'était
Passpartout qui s'était glissé vers le bûcher au
milieu de la fumée épaisse.
Un instant après, tous quatre disparaissaient
dans le bois.
Vers dix heures ils arrivèrent à la station
d'Allâhâbâd. Phileas Fogg, sir Francis Cromarty
et Passepartout installèrent dans un confortable
wagon dont Mrs. Aouda occupait la meilleure
place. Mrs. Aouda commençait à revenir à elle et
elle remercia ses sauveurs avec effusion. Phileas
Fogg lui offrit de la conduire à Hong-Kong, pour
oublier toute cette affaire. Mrs. Aouda accepta
cette offre avec reconnaissance, car elle y avait
un parent qui faisait du commerce.
À midi et demi, le train s'arrêtait à la station
Bénarès. C'était là que sir Francis Gromatry fit
ses adieux à ses compagnons.
À partir de Bénarès, le train suivait vers la
vallée du Gange. À travers les vitres du wagon
apparaissent des montagnes couvertes de
verdure, des champs des céréales, des villages
bien entretenus.
À sept heures du matin, le train arrivait à
Calcutta. Le paquebot avait encore cinq heures
pour son départ vers Hong-Kong.