soixantième seconde que Phileas Fogg appa-
raissait, suivi d'une foule en délire qui avait force
l'entrée du club, et disait de sa voix calme:
« Me voici, messieurs.»
Oui ! Phileas Fogg en personne.
On se rappelle qu'a huit heures cinq du soir,
vingt-cinq heures environ après l'arrivée des
voyageurs à Londres, Passepartout était allé
rendre visite au révérend Wilson. Celui-ci lui
avait répondu qu'un mariage le lendemain était
impossible, car on serait dimanche.
«Vous vous êtes trompé d'un jour! Hurla
Passepartout à son maître en se ruant dans la
maison de Savile Row. Nous sommes arrivés
vingt-quatre heures en avance ! Nous sommes
samedi ! Samedi ! Mais il ne reste plus que dix
minutes!...»
Phileas Fogg quitta sa chambre, quitta sa
maison, sauta dans un cab et promis cent livres
au cocher. Il avait accompli ce tour du monde
en quatre-vingts jours !...
Comment un homme si exact, si méticuleux,
avait-il pu commettre cette erreur de jour?
Comment se croyait-il au samedi soir, 21
décembre, quand il débarqua à Londres, alors
qu'il n'était qu'au vendredi, 20 décembre? Voici
la raison de cette erreur. Elle est fort simple.
Phileas Fogg ayant fait le tour du monde en
allant vers l'est, il était allé au-devant du soleil.
Par conséquent les jours diminuaient pour lui,
et, chaque fois qu'il franchissait un degré, il
aurait dû compter quatre minutes en moins.
Ayant achevé le tour du globe, qui compte
trois cent soixante degrés, il fallait donc compter
vingt-quatre heures en moins - exactement ce
jour inconsciemment gagné.
Phileas Fogg avait remporté son pari. Mais, et
après?
Qu'avait-il rapporté de ce voyage? Rien, dira-t-
on? Rien,
soit, si ce n'est une charmante femme,
qui-quelque invraisemblable que cela puisse
paraître-le rendit le plus heureux des hommes.
En vérité, ne ferait-on pas, pour moins que cela,
le tour du monde?